Focus sur Céline Masset et Pascal Hologne, Jumelles d'Or de la SACD en 2021
On ne présente plus Céline Masset et Pascal Hologne, cofondateurs de festivals que nous aimons tant, de l'Agence belge du court métrage, figures majeures – et souriantes – de notre paysage audiovisuel. Le Comité belge a souhaité saluer ces compagnons au longs cours en leur décernant ses Jumelles d'Or. Nous leur adressons nos plus chaleureuses félicitations et vous proposons de découvrir ici leur bio, leur éloge par Jean-Luc Goossens et un entretien passionnant avec Cécile Berthaud.
Les Jumelles d'or sont des mises à l’honneur symboliques annuelles de la part des membres du Comité belge de la SACD pour donner un coup de projecteur à des personnalités et / ou collectifs qui œuvrent en faveur des auteurs et autrices, de la création et la diversité culturelle en Belgique.
Le duo de choc
À la fin de leur études, Céline Masset et Pascal Hologne organisent en 1998, un festival dédié aux courts métrages.
Comme jurés : Jaco Van Dormael, Gérard Corbiau, Alain Berliner et Benoît Mariage se prêtent au jeu de ce festival étudiant… ancêtre du Brussels Short Film Festival.
Ils consacrent leur énergie à faire grandir le BSFF puis le Be Film Festival qu’ils créeront en 2005. En 2016, ils lancent avec plusieurs collaborateurs l’Agence belge du court métrage. En 2018, ils mettent en place la 1ère édition du Brussels International Film Festival au cœur de Bruxelles
L'éloge du omité
Chère Céline, Cher Pascal,
Quand au siècle dernier (déjà !), inspirés par ce fameux réalisme magique que le monde entier nous envie, et plus encore par la célèbre bière de Chimay, que le monde entier nous envie (encore plus), vous avez créé l’association « Un soir un grain », et le festival « Oh ce court », pouviez–vous imaginer que vous deviendriez la meilleure ambassadrice, le meilleur ambassadeur de nos films ?
Depuis lors, vous avez multiplié les rendez–vous. «Oh ce court» s’est développé pour devenir le BSFF, et accueillir les kinos sous son chapiteau. Vous avez créé le Be Film qui rassemblait tous les longs métrages belges de l’année, puis le BRIFF. Et non contents de montrer nos films, de les promouvoir et de les primer, vous avez lancé un concours de scénario, et fait de toutes ces manifestations des rendez-vous festifs.
Avec cette énergie incroyable, digne des meilleurs G.O. du Club Med’, et toujours cette prodigieuse résistance à la Chimay, très supérieure à celle des meilleurs G.O. du Club Med’, vous nous avez fait danser sur des péniches qui restaient à quai, mais qui nous emmenaient au bout de la terre.
Alors aujourd’hui, c’est peu de choses, ces Jumelles que nous vous offrons, pour continuer à voir plus loin, toujours plus loin !
Jean-Luc Goossens, Président du Comité belge de la SACD
Céline Masset & Pascal Hologne, Festivals liés
Le tandem qui a fait du Brussels Short Film Festival (BSFF) un passage obligé pour tout qui fait du court métrage s’est lancé il y a 4 ans dans la même ambition pour le long.
Céline Masset et Pascal Hologne ont lancé en 2018 le Brussels International Film Festival ‒ dites le BRIFF. Pendant dix jours, la capitale bruisse d’ateliers, de masterclasses, de projections en plein air, on y croise des invité.es de marque et on suit trois catégories de compétition : internationale, nationale et la « Directors’ Week ». Donner de la visibilité, des opportunités de rencontres aux professionnel.les et un vrai spectacle au public, dans un esprit festif, cela reste leur marque de fabrique.
Cela fait plus de 20 ans que vous mettez en lumière les auteurs et autrices de cinéma. Vos motivations sont–elles les mêmes qu’au tout début ?
Céline Masset : Oui, et de nouvelles se sont ajoutées. À la base, on voulait mettre le format court en avant alors qu’il était peu vu.
Tout en ayant une attention au public pour lui montrer toute la diversité et la qualité que cette forme pouvait avoir. Au fur et à mesure, le projet a avancé et il s’est agi aussi de servir les auteurs et autrices, d’être une piste de lancement, un lieu de rencontre, de réseautage. Parallèlement on s’est mis à travailler pour le jeune public et l’éducation à l’image.
Pascal Hologne : La toute première motivation c’était plus de faire la fête qu’autre chose. On était étudiants quand on a lancé la première édition du Festival du Court Métrage de Bruxelles en 1998, on voyait ça comme un one shot. La réflexion est venue après. Mais la motivation est toujours là, évidemment. On travaille pour les cinéastes et le public, et le Graal c’est la rencontre entre les deux. Et si on n’avait pas cette motivation, on changerait de métier car c’est éreintant.
Vous êtes à un poste d’observation royal. Que notez–vous comme évolutions depuis 1998 pour les réalisateurs et réalisatrices ?
Céline Masset : Clairement, le professionnalisme. Il y a aujourd’hui une maîtrise technique qu’il n’y avait pas dans les courts il y a 20 ans.
Pascal Hologne : Oui, ils sont plus aguerris. Au moment d’entrer en école de cinéma, ils savent filmer, écrire, monter. Avant, en 3 ou 4 ans d’études, on faisait trois semaines de tournage au total. On touchait une caméra à la fin de la première année. Aujourd’hui quand ils commencent, ils ont déjà tourné des milliers d’heures, si tant est qu’ils soient réellement intéressés. Il y a beaucoup plus de films, et bien meilleurs.
Céline Masset : C'était plus amateur techniquement, mais aussi dans les démarches. Ici, ils ont très tôt un plan de carrière, leur entourage est plus construit. Même les jeunes producteurs savent ce qu'ils font, ils connaissent les rouages et ont des visées beaucoup plus précises qu’avant.
Pascal Hologne : Au niveau des longs métrages ça a bien changé aussi. On n’aurait pas pu faire la sélection belge du BRIFF il y a 20 ans. Toto le héros à Cannes en 1991, c’était exceptionnel. Alors que cette année, il y a 5 ou 6 films belges à Cannes. Faire un long en Belgique francophone, à l’époque, c’était extra–ordinaire. Aujourd’hui, il faut s’accrocher, mais ça se fait. Qui fait deux ou trois courts remarqués a toutes ses chances de faire un long. Ce n’était absolument pas le cas avant.
Et du côté du public, quelles évolutions constatez–vous ?
Pascal Hologne : Il y a 20 - 25 ans, quand on parlait de courts métrages aux gens, dans leur esprit c’était forcément un travail d’école, ou un film expérimental, un dessin animé ou un vieux brol. Ça ne pouvait pas être une fiction de 17 minutes, bien envoyée, aboutie et professionnelle. Aujourd’hui, grâce à des festivals comme le nôtre, à internet, à la télévision, bien plus de gens savent ce qu’est un court métrage et ont conscience de toute la palette et la diversité possible des courts.
Céline Masset : Ça reste un public curieux. Quand ils viennent au festival, les spectateurs ne savent pas très bien ce qu’ils vont voir. En 1h30 ils vont découvrir cinq films, c’est-à-dire des ambiances différentes, des univers, des histoires, des auteurs et autrices, etc. C’est ce qui leur plaît.
Il y a quatre ans, vous créez le BRIFF en y intégrant le Be Film Festival. Pourquoi ?
Pascal Hologne : Cela faisait longtemps qu’on voulait créer un festival international de longs métrages à Bruxelles. Mais il y avait des choses qui préexistaient et on ne voulait pas marcher sur les plates–bandes. Après leur disparition, plus rien ne nous retenait et on s’est lancé en 2018. On a créé le BRIFF et on y a intégré le Be car trois festivals par an, cela aurait été insoutenable. Et puis ça aurait été dommage d’isoler le cinéma belge du cinéma international. C’est aussi l’occasion de rencontres fructueuses.
Pensez–vous que le BRIFF a des retombées pour les réalisateurs, réalisatrices et scénaristes installé·es en Belgique ?
Pascal Hologne : C’est un peu tôt pour le dire. On n’est pas encore immanquables pour leur parcours. C’est le cas pour le BSFF, et on espère que ce sera aussi le cas pour le BRIFF.
Céline Masset : Mais l’idée est aussi clairement de participer à l’exportation des films belges.
Ce que Céline a et que vous n’avez pas Pascal ?
Je m’en rends compte de plus en plus, elle a des goûts différents des miens et c’est de la confrontation de nos goûts que naît une meilleure programmation. Et elle a un peu plus de sang-froid que moi dans certaines circonstances.
Même question pour vous Céline…
Il sait compter ! Et il a une force de persuasion qui est souvent une qualité, parfois un défaut. Il va attaquer les choses plus frontalement, tandis que moi je suis plus dans le compromis (par rapport aux autres, pas entre nous). Au final, nos qualités et nos défauts sont complémentaires, c’est ce qui fait de nous un binôme inébranlable.
Qu’est–ce que cela vous fait de recevoir ces Jumelles d’Or de la SACD ?
Pascal Hologne : Forcément plaisir, c’est très gratifiant. Mais le plus important pour moi c’est que ça lève les doutes pour les dix prochaines années. On a toujours des doutes… Qui est convaincu par notre travail ? Est-ce que ça sert à quelque chose ? Donc, c’est rassurant.
Céline Masset : Ça arrive au bon moment aussi. Pour le BSFF on est conscients de notre impact. Mais le BRIFF est tout neuf, notre duo ne convainquait pas forcément tout le monde pour ce projet-là… Et en plus, cela vient de la SACD qui connaît bien ce que l’on fait, on travaille avec eux depuis toujours, donc ça valide nos projets. Et ce prix, on le partage avec toute notre équipe.
Entretien mené par Cécile Berthaud.
Pour aller plus loin
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. pour avoir un avant-goût du programme des éditions 2022, visiter les sites de ce deux fantastiques festivals, le BSFF (du 20 au 30 avril) et le BRIFF (du 23 juin au 02juillet)
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