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Tonnerre d'applaudissements aux lauréat.e.s du Prix Série 2023 pour Attraction !

vendredi 17 mai 2024

Et le Prix SACD Série 2023 est attribué à ... Sophia Perié, Barbara Abel, Julien Gras-Payen et Indra Siera pour leur remarquable travail d'écriture et de réalisation pour leur série Attraction. Au menu, "cliff-hangers, ironie dramatique, retournements et autres coups (de théâtre)", en d'autres termes, un suspense insoutenable, du doute, de l'effroi, des personnages captivants, le tout soutenu par un scénario redoutable. Nous félicitons chaleureusement les auteurs et autrices de la série et vous invitons, chers lecteurs et lectrices, à découvrir l'éloge du Comité belge et l'interview de trois de nos lauréat.es.

L'éloge du Comité belge 

Je soussigné Goossens Jean-Luc confirme déposer plainte contre Mesdames Perié Sophia et Abel Barbara, qui ont exercé sur moi une emprise insoutenable pendant de longues heures (6x52’ très exactement) en usant de techniques particulièrement perverses telles que cliff-hangers, ironie dramatique, retournements et autres coups (de théâtre), et ce, en vue d’entraîner des milliers de victimes dans un phénomène d’attraction, avec la complicité des dénommés Gras-Payen Julien et de Voghel Gilles (coauteurs des faits) et Siera Indra (recruté pour sa réalisation).

Cette bande organisée n’a pas hésité à s’allier les professionnel·le·s les plus redoutables, et notamment les tristement célèbres Sépul Laura, Gautry Lannick, Sadjo Babetida, Boutique Fabrice, allant même jusqu’à s’assurer une complicité au plus haut sommet de l’état, en la personne de l’actuelle ministre des Affaires étrangères, Lahbib Hadja, qui pour l’occasion s’est fait passer pour une présidente de tribunal.

Je tiens à souligner le risque de récidive, puisque le duo Perié-Abel serait en train d’étudier un scénario similaire, en vue de reproduire une série d’épisodes encore plus dramatiques.

En conclusion, j’atteste avoir été sous l’emprise de leur talent lorsque j’ai proposé au Comité belge de mettre à l’honneur les coupables de tels agissements.

Fait à Bruxelles, le 10 février 2024 (plainte enregistrée par l’aspirant inspecteur principal Vervloet, zone Bruxelles-Ixelles)

 

Jean-Luc Goossens, membre du Comité belge de la SACD


Prix Série SACD 2023 : Sophia Perié et Barbara Abel (co-autrices et porteuses du projet), Julien Gras-Payen (dialoguiste, co-auteur) et Indra Siera (réalisateur) pour la série Attraction 


Un mari, deux enfants, une belle maison… la vie rêvée d’Agathe commence à s’effriter le jour où elle est envahie d’un doute : et si son mari était un meurtrier ? Primée au Festival de fiction TV de La Rochelle, Attraction a été diffusée sur La Une en avril 2023. Une série portée par la romancière Barbara Abel et la scénariste Sophia Perié, accompagnées par Julien Gras-Payen aux dialogues, et Indra Siera à la réalisation.


© Crédits Nicolas Velter et studio photographique RTBF


LA GÉNÈSE

Attraction commence par une idée de la productrice Catherine Burniaux...

Barbara Abel : Catherine est venue me trouver parce qu'elle avait lu mes romans, et qu’elle avait une idée d’histoire à me suggérer : une femme qui découvre qu’elle est mariée à un tueur… Je lui ai répondu que je n’étais pas libre, car je finissais un roman, et que de toute façon, je n’aimais pas les producteurs – une expérience du passé m’avait échaudée. Je suis sortie de là en me disant que je n’en entendrai plus jamais parler. Voilà que quelques mois plus tard, elle me recontacte ! Je me dis, elle n’a pas compris ! Mais elle avait un côté cash que j'aimais bien. On reprend un café, et j’accepte de lui développer un concept, en me disant que ça ne verrait jamais le jour. Sauf qu'elle le propose à la RTBF... et que le projet est pris ! Quand elle m'appelle pour me l’annoncer, je panique : « Mais Catherine, je ne sais pas écrire des séries ! ». Voilà comment elle m’a présenté Sophia...

Sophia Perié : J'ai commencé avec Catherine à la RTBF, ensuite j'ai travaillé à Paris sur des séries télé... Un jour elle m'appelle pour me proposer une série avec une romancière qui s'appelle Barbara Abel. Au début, je me dis, ouh là, gérer l'ego d'une romancière, devoir lui expliquer comment on fait une série sans la vexer... Je dis OK, oui mais à condition que je sois la directrice d'écriture.

BA : Catherine me dit Sophia est d’accord, mais elle veut être la cheffe. J’ai dit « Parfait ! » (rire).

 

LA COLLABORATION

Qu'avez-vous appris l'une de l'autre ?

SP : Déjà il y a eu une rencontre, humaine et professionnelle, qui a été super intéressante. Ensuite il a fallu que je prenne ma place de créatrice, que je trouve dans cette histoire ce que j'avais envie de raconter.

BA : Moi j’ignorais tout le côté structurel de la série, comment tout ça se construisait.

SP : L’avantage, c’est que j’avais une certaine expérience en télé. Ça devient un inconvénient quand tu deviens formaté – ce qui arrive à tous les auteurs et autrices. Donc ce qui est génial quand tu travailles avec quelqu’un comme Barbara, c'est que tu es avec quelqu'un qui est habitué à tout le contraire. Alors certes, quand elle dit « Là on va mettre un carambolage avec des embouteillages sur 15 kilomètres » pour une scène qui dure dix secondes, tu dis non (rire). Mais on a été complémentaires pour à la fois correspondre à une ligne éditoriale, et savoir oser s'en détacher quand il le faut.

BA : Et puis on maîtrisait bien toutes les deux les codes du thriller. Et en roman ou en série, ce sont les mêmes.

 

Mais écrire un roman et écrire une série sont deux processus très différents…

BA : Déjà, je ne suis plus seule à écrire ! Et avec Sophia, on n’a pas le même rythme d'écriture.

SP : La différence fondamentale, c’est que le métier du romancier, c'est d'écrire, et celui du scénariste, c'est de réécrire. Et c'est très différent comme écriture.

BA : Dans un roman, il y a un rythme qui t'appartient : c'est ce qu'on appelle le style. En série, on écrit platement l'action. Il n’y a aucun effet de style. Le style vient plutôt dans le rythme qu'on va donner aux séquences. Et une fois que ton roman est fait, personne ne va te dire « ça, il faut réécrire. »

SP : Alors qu'en série, tu es bombardé de retours : de la production, de la chaîne, du réalisateur... C'est à toi de faire le tri là-dedans. Et ça, c'est mon métier, pour le coup. Évidemment, c'est l'enjeu artistique de la série : tu réponds à un client. C’est pas tes parents ou ton éditeur : ils ne sont pas là pour accompagner le processus créatif d'un artiste…

BA : …c'est pas du cinéma d'auteur. C'est de la télé, donc il faut répondre aux attentes d'un public bien ciblé - une dimension que je ne maîtrisais pas du tout.

SP : Un public bien ciblé, et le plus large possible. On me dit souvent « Pour un film, en Belgique, 95 000 entrées, c'est pas mal ». En télé, 150 000 téléspectateurs, c'est un flop.

BA : Et c'est à partir de 5000 romans vendus qu’on dit que c'est une bonne vente. On n’est pas du tout dans les mêmes réalités.

SP : L'idée de faire une œuvre qui a du sens, et en même temps qui rencontre le plus large public possible, je trouve ça fascinant. Mais c'est vrai que ça veut dire des études de marché, des chiffres, des cibles... Ce qui est important à savoir aussi pour le processus de création, c’est que le diffuseur peut décider d'arrêter à chaque étape. Tu es sur un siège éjectable jusqu'au moment où on tourne la série. C'est là le grand enjeu du scénario : réussir à garder une vision tout en gardant en tête que le client peut ne pas être convaincu, et il faut pouvoir le rassurer.

BA : Et puis surtout, la coécriture, c’est énormément de discussions. On raconte tout ce qu'on aime et qu'on déteste en termes de série, mais on se raconte beaucoup aussi...

SP : C’est un procédé très intime, parce que tu es obligé de te raconter. Donc il faut absolument qu'il y ait des valeurs communes, sinon c'est impossible. Et avec Barbara on a trouvé un bon terrain d'entente, parce qu’on a beaucoup de valeurs communes.

 

TROUVER AGATHE (LAURA SEPUL)

SP : Le personnage d'Agathe, ça a été LA difficulté de la série. Pour la trouver, on a mis deux ans.

BA : Notre problème c'est que ça devait être une femme au foyer sous emprise, mais qu'on puisse s'identifier à elle.

SP : Or en fiction, il y a une règle immuable : tu ne t'identifies pas à un personnage qui n'est pas actif. Nous, on avait une vision linéaire des choses : montrer d'abord l'emprise, et ensuite l’héroïne en action. Mais en télé, les gens peuvent zapper : on doit être dans l'action directement. Une fois qu’on a compris comment agencer son histoire pour la rendre active d’emblée, tout s’est débloqué. Mais ça a été très long !  

BA : Et puis quand on a vu les essais de Laura, on a directement su que c’était elle.

SP : En plus d'être très douée, Laura a une éthique de travail rare. Ça a été une évidence. Le reste du casting s'est construit autour d’elle.


© Crédits Marc BO Les Gens


TROUVER FRED (LANNICK GAUTRY)

SP : Contrairement à ce qu'on pourrait penser, les personnages psychopathiques sont très faciles à écrire, car ils ne sont pas intéressants : ce sont des gens calculateurs, qui n'ont pas d'émotions.

BA : Il n’y a pas de combat intérieur, pas de dilemme... aucun intérêt !

SP : Comment ils mentent, ça c'est intéressant : quel est leur masque, pourquoi celui-là.

BA : Le casting a été plus compliqué pour Fred. On devait croire quand même au début à son innocence… mais quand il vire, il faut qu'il fasse peur.

SP : C'était compliqué de trouver quelqu'un capable de porter les deux aspects. En plus TF1 était rentré dans la boucle, et une de leurs demandes était que le lead masculin soit un acteur TF1 connu. Il me semble que Catherine a proposé Lannick parmi plusieurs acteurs pressentis. TF1 l'a validé, et ça a été super, parce qu’il a vraiment très bien fait le job.

 

JULIEN GRAS-PAYEN : SCENARIO, DIALOGUES

Julien Gras-Payen : J'arrive sur le projet quand la mise en place est faite - pour comparer avec une cuisine, la table est dressée, la recette est connue, maintenant il faut préparer le plat. C'est le moment où les personnages deviennent vivants, où on commence à développer la mise en scène. On se réunit, on clarifie les intentions de chaque scène, des personnages... et ensuite je me mets à écrire ! « Elle est appuyée contre le plan de travail, elle le regarde de travers, il se retourne, elle dit : il n’y a plus de ketchup ! » C'est vraiment du détail, du tricot. Je proposais une première version, elles faisaient des retours, on retravaillait ensemble, et elles donnaient le mot de la fin.

BA : Pour nous, découvrir la version dialoguée, avec ces personnages qui enfin prennent vie, c'est très émouvant. C'était important de faire venir un nouveau cerveau dans l'aventure : après deux ans sur le projet, on n’était plus objectives. Julien est arrivé avec des propositions de « mise en vie » assez réjouissantes. Ce qui m'a bluffée c'est sa compréhension de la psychologie des personnages, et de l'enjeu dramatique.

JLG : Je tiens à dire que c’est très agréable de travailler sur une histoire à ce point bien racontée. Je le dis avec une tranquillité absolue, car je n'en suis pas à l'origine : c'était vraiment du super bon boulot.

SP : La collaboration avec Julien a été précieuse, car c'est une personne qui a la générosité de donner le meilleur de lui-même sur un projet dont il n'est pas à la base. Plein de scénaristes peuvent écrire pour eux-mêmes, développer leur univers, mais ce n’est pas si évident de trouver quelqu'un capable d'écrire pour quelqu'un d'autre.

 

INDRA SIERA : RÉALISATION

SP : C'est Catherine qui nous l'a proposé. On avait déjà vu son travail, ensuite on a fait connaissance. Il s’est profondément investi, il nous a fait des retours précis sur les textes, avec des questions fondamentales pour sa mise en scène, sa direction d'acteurs - on a tout de suite senti qu'il comprenait le projet.

BA : Indra a amené des propositions qui ont vraiment enrichi le résultat. Quand j’ai découvert les épisodes, j’étais enthousiaste.

SP : il a pallié certaines fragilités, et amené des idées de mise en scène qui ont amélioré le texte. C'est quelqu'un avec beaucoup d'expérience, qui a sa propre direction et vision artistique. On avait très envie de travailler avec lui, c'est précieux pour un scénariste, d'avoir un collaborateur avec un vrai regard. La spécialité d'Indra c'est d'être créatif sur les personnages secondaires. Pour nous qui sommes très concentrées sur la mécanique de l’intrigue, les seconds rôles ça peut être le bas qui blesse ; pour ça Indra a été un super collaborateur. Et puis c'est un bosseur !

BA : C'est une bête de travail ! L’épisode pilote, il l’a tourné en 2 jours, c’était bluffant. Et à côté de ça, il a tourné un petit clip, façon comédie musicale, avec les acteurs, en cadeau juste pour nous ! Un matin, tu ouvres tes mails puis tu vois ça… Impressionnant !

 

© Crédits Marc BO Les Gens


LA DIFFUSION

BA : C'est vrai que j'ai beaucoup allumé ma télé à cette période-là, juste pour voir la bande-annonce passer !

SP : C'est stressant, parce qu'il y a des attentes au niveau des chiffres d'audience. Et ce qui est étrange, c'est que c'est vite passé.

JGP : Moi, on n’arrête pas de m'en parler. Ma voisine a compris ce que je fais dans la vie grâce à la série (rires).

SP : Pour moi, le moment le plus émouvant, ce n’est pas la diffusion, c'est la première version de montage. Un épisode dont on est très fières c'est le 5, et j'avoue que la première fois que je l'ai vu, il y a eu un silence dans la salle – parce qu’il est très dur.  On s'est dit « Quand même, ça a de la gueule. »

 

LE FUTUR

SP : On travaille tous les trois sur la saison 2 - par un miracle des plannings, Julien a pu nous rejoindre. C'est une autre histoire, avec d'autres personnages…

BA : …mais on suit la même recette. Actuellement, on en est aux dialogues, donc Julien tient le gouvernail du navire.

SP : Et avec Barbara, on prépare un projet d'adaptation d'un de ses romans en série.

JGP : À côté, je travaille sur un projet de série pour une plateforme, avec un écrivain.

 

LE PRIX SACD

SP : On est très surprises d'avoir ce prix, et on est ravies par cette envie de la SACD de mettre en avant notre travail d'auteurs et autrices. C'est aussi une façon de soutenir les auteurs. La SACD C'est une structure essentielle pour nous, notamment via ses bourses, qui m’ont permis de pitcher mon projet à La Rochelle. 

JGP : La gestion des droits d'auteur c'est crucial, c'est le nerf de la guerre. La SACD fait un énorme boulot pour nos droits et nos revenus. C’est précieux.

 

Propos recueillis par Elli Mastorou

 

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