Notre dernier cri
La SACD et l'Union des Artistes du Spectacle publient ce jeudi 28 mars une carte blanche dans L'Echo, une lettre ouverte "à celles et ceux qui ont choisi de gouverner les arts de la scène" pour les sensibiliser à la question cruciale de l'emploi artistique avant la signature des contrats-programmes. Nous la reproduisons ici.
Lettre ouverte à celles et ceux qui ont choisi de gouverner les arts de la scène *
"Monsieur le Ministre-Président de la FWB, M. Demotte ;
Madame la Vice-Présidente et Ministre de la Culture, Mme Greoli ;
Nous sommes des artistes, des créatrices, des créateurs, des auteurs, des techniciens et techniciennes artistiques, des travailleuses et des travailleurs artistiques du secteur des arts de la scène. Certains parmi nous enseignent aussi aux jeunes qui ont la vocation de l’art en Fédération Wallonie Bruxelles. Nous représentons des milliers de personnes de toutes disciplines et de tous âges qui ont choisi une activité professionnelle dans le secteur artistique conscients de son importance sociétale.
Dans les prochains jours, vous allez prendre des décisions essentielles pour nous en fixant définitivement les clauses de l’emploi artistique et de soutien aux créatrices, créateurs et artistes dans les contrats-programmes dédiés aux opérateurs des arts de la scène. Nous craignons qu’elles soient très éloignées des promesses qui nous ont été faites.
Depuis le début de la législature, il nous a été promis par la majorité PS-CDH qu’une attention toute particulière serait portée à nos situations devenues en 15 ans d’une extrême précarité.
Il s’agissait " de remettre les artistes au centre ".
Il s’agissait aussi de prendre acte que le statut de chômeur n’est décidément pas un modèle économique et professionnel soutenable.
Il s’agissait de mettre en œuvre un programme en 10 points adoptés par le Gouvernement, largement soutenu par le secteur, et formalisé dans un nouveau un nouveau décret des arts de la scène.
Il s’agissait, selon la Ministre Greoli, que ce décret ait pour " objectif principal d’accroitre l’investissement dans la part de l’emploi artistique des opérateurs ainsi que de protéger directement les artistes et d’apporter des garanties quant à leur statut ".
Nous vous avons cru, et nous avons espéré que vos engagements se réalisent dans une politique nouvelle, plus transparente, plus mutualisée, moins dispendieuse en administration, en frais de fonctionnement, moins institutionnelle. En un mot plus humaine. Enfin humaine !
Plus qu’attendre cette politique innovante, nous y avons énormément travaillé, à l’invitation de votre Gouvernement.
C’est donc avec une incompréhension et une colère croissantes que nous assistons à son avortement sans comprendre qui en a décidé et pourquoi. Nous ne pouvons en effet comprendre que votre action en vue de faire croitre l’emploi artistique puisse sérieusement se limiter à faire un vulgaire copier-coller des moyennes statiques d’emplois artistiques proposés par les opérateurs eux-mêmes dans leurs dossiers de demande de subventions.
Votre promesse de négocier l’usage des moyens de la FWB pour garantir l’amélioration de la situation des travailleuses et travailleurs artistiques semble s’être subitement évaporée alors que s’approchent les élections locales.
Nous nous permettons donc de vous la rappeler car cette négociation est indispensable.
Établir un simple cadastre des propositions des opérateurs fait émerger trois constatations principales qui n’auraient pas dû échapper à votre examen :
Plus les subsides demandés sont élevés, moins le taux d’emploi artistique est important ;
Les professions artistiques supportent quasi seules la précarité de l’intermittence ;
Les compagnies, vecteurs de création et d’emploi, sont toujours marginalisées
Par ailleurs, nul ne peut ignorer les flux financiers venant s’ajouter à ceux déjà existants et qui devraient permettre de faire se rétablir l’emploi après des années d’érosion : un budget de 10 millions supplémentaires pour le secteur a été annoncé pour compenser partiellement 10 ans de désinvestissement, l’ouverture du Tax Shelter (9 millions levés en 2017 en FWB),
Et malgré cela, les prévisions de dépenses d’emplois artistiques et de soutien aux créateurs qui peuvent être estimées avec précision sur base des dossiers des opérateurs sont au plus bas (parfois moins de 7 % seulement du total des dépenses annuelles).
Prises dans leur ensemble, elles ne peuvent justifier aucune politique convaincante de relance.
Notre conviction est que d’autres contrats-programmes peuvent encore être négociés pour atteindre les objectifs que votre gouvernement prétendait avoir pour priorité.
Copier-Coller les demandes révisées que vous feront pour ce 30 mars les bénéficiaires de subventions en réponse aux projets de contrats et aux montants de subvention de la FWB qui leur ont été adressés ne peut être considéré comme une action responsable et conforme à vos engagements de faire croître l’emploi.
Il est d’ailleurs choquant que rien n’ait été prévu pour rendre transparents les effets globaux des contrats proposés et recueillir également l’avis à ce sujet des principales ORUA des créateurs, créatrices et des artistes.
Un autre démarche, responsable, mobilisant les organisations professionnelles du secteur est de toute évidence nécessaire.
Nous exigeons des contrats-programmes dont l’objectif premier sera de faire croître les emplois artistiques ainsi que les aides aux créateurs et compagnies porteuses de projets indispensables à la diversité et à l’attractivité du secteur des arts de la scène pour les différents publics.
Mettons en œuvre de façon concertée le programme en 10 mesures et les promesses de croissance d’emplois faites au secteur.
Il n’est pas trop tard.
Entendez ce cri d’alarme avant qu’il ne se mue en cri d’opposition."
Carte blanche publiée dans L'Echo du 28/03/2018
* Les signataires
Cette lettre ouverte signée par les membres solidaires de l’Union des Artistes et de la SACD :
Dominique Abel
Isabelle Bats
Claudio Bernardo
Yoann Blanc
Bud Blumenthal
Bernard Breuse
Frédéric Castadot
Isabelle de Hertogh
Michèle-Anne De Mey
Pierre Dherte
Jasmina Douieb
Janine Godinas
Jean-Luc Goossens
Fiona Gordon
Harold Henning
Véronique Jadin
Philippe Jeusette
Gabriella Koutchoumova
Valérie Lemaître
Émilie Maquest
Sophie Maréchal
Fernando Martin
Patrick Masset
Thomas Mustin (Mustii)
Michèle Noiret
Mauro Paccagnella
Ayelen Parolin
Antoine Pedros
Jean Marie Piemme
Inès Rabadán
Fabrizio Rongione
Claude Semal
Philippe Sireuil
Paola Stévenne
Virginie Strub
Anne Sylvain
Barbara Sylvain
Jaco Van Dormael
Laurence Vielle
Fré Werbrouck
Frédéric Young
Zidani
Plus d'informations et des documents de référence sur notre mobilisation pour l'emploi artistique à lire ici.