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« La comédie est l’apologie de la vitalité » - Leçon de scénario par Pierre Salvadori

vendredi 8 mars 2019

Lors du dernier Festival International du Film Francophone de Namur en 2018, la SACD organisait son habituelle « Leçon de Scénario ». Cette fois-ci, c’est le réalisateur et scénariste français Pierre Salvadori qui venait partager son expérience lors d’une séance animée par l’auteur et réalisateur Stéphane Malandrin.

 


De l’écriture des personnages à son rapport aux spectateurs et à la critique en passant par ses procédés d’écritures, Pierre Salvadori faisait part de son expérience riche et passionnante.

 

L’auteur et ses partenaires

Pour le réalisateur français : « faire un film, c’est faire l’apprentissage de la solitude », même si il est suivi par un producteur. Pour un projet de comédie qui prend beaucoup de temps, le problème principal est la rétribution. L’auteur a besoin d’être payé durant cette phase et ce n’est pas toujours évident à faire comprendre.
Il y a également la notion du timing propre aux projets de comédies. Il faut faire particulièrement attention au moment choisi pour envoyer son scénario aux différents partenaires. La comédie est un genre difficile à lire et il faut être disponible pour en comprendre le traitement et les subtilités.

 

L’importance des comédiens…

« Quand j’écris un rôle pour un comédien ou une comédienne, ça glisse mieux, ça m’aide à écrire. J’écris d’ailleurs encore en pensant à Marie Trintignant, avec qui j’ai beaucoup travaillé. Je pensais vraiment à Pio Marmaï pour En liberté !, il m’a inspiré des traits de caractère » explique Pierre Salvadori.
Pour une comédie comme pour tout film, le casting est primordial. Il faut chercher l’acteur parfait, même pour les tout petits rôles. Si le comédien n’amplifie pas son rôle ou sa réplique, ça ne marche pas. « Il m’est déjà arrivé d’être à deux doigts de supprimer une scène car lors du casting ça ne rendait rien du tout… jusqu’à ce que ça colle, grâce au bon comédien ». Il y a un vrai travail de confiance entre le réalisateur et le comédien ou la comédienne.
Auparavant, le réalisateur français ne laissait pas de place à l’improvisation mais a changé sa vision au fil des années. « Maintenant, s’il y a un jaillissement, je prends ». C’est ce qu’il appelle « des trouvailles de plateau », qui ont d’ailleurs leur place dans son film En liberté !. S’étant lui-même essayé au stand-up, Pierre Salvadori essaye le plus possible de donner de la place à ces acteurs et actrices. Pour que ça soit possible, il faut une bonne base scénaristique et un acteur en confiance.

 

… et des personnages

Pour qu’un film soit réussi il faut aimer ses personnages. Le réalisateur insiste sur l’amour qu’il porte à ses protagonistes qu’il veut tirer vers le haut. Créer un personnage pour le ridiculiser n’est pas constructif en comédie.
Pierre Salvadori explique que tout repose sur ses personnages puisqu’il crée le film autour d’eux, tout en ayant en tête le casting. Ils fabriquent le scénario grâce à leurs traits de caractère. « Je ne pense pas qu’il faille partir d’une scène ni d’un dialogue, car sinon on risque de se retrouver à tordre le film pour que ça colle ».

 

Du scénario à la mise en scène

Pour le réalisateur, la mise en film (selon l’expression de Mankiewicz) est une des dernières étapes d’écriture. Il l’effectue seul puisqu’il s’agit déjà du début de la mise en scène. La continuité dialoguée et l’écriture du séquencier sont repoussées le plus tard possible.

 

Le style, un rapport au spectateur

« Quand j’écris, je ne pense pas aux nombres d’entrées que fera mon film, je pense au public. »
Pierre Salvadori se poste comme un formaliste qui privilégie la forme au fond. Selon lui, les spectateurs aimeront ses films pour son style et sa couleur plus que pour l’intrigue. Il s’agit du lien qu’il met en place avec le public. Avec des procédés qui reposent sur l’ironie dramatique ou l’ellipse, le réalisateur donne la place à l’imagination du spectateur.

 

Écrire en liberté surveillée

« Si tout est possible, rien ne se passe. »
Dans un film, il faut trouver le ton juste et la limite à ne pas transgresser. Il faut se mettre des barrières et renoncer à des séquences. Le renoncement est une part du travail de scénariste. Pour éviter les frustrations trop grandes, Pierre Salvadori parvient à se cadrer lorsqu’il trouve le titre de son film. Celui-ci lui donne un cadre et il sait qu’il ne faut pas le dépasser.
Bien-sûr, renoncer ça ne veut pas dire en faire le minimum. Le réalisateur s’efforce de faire une proposition « la plus totale possible » et d’aller le plus loin à l’intérieur des frontières fixées (avec le mélange des genres, ou la mise en place d’émotions contraires). Si la série permet un développement poussé des personnages, le cinéma permet également une amplitude importante.
« Il n’y a pas de sentiment indigne ou grossier, il n’y a que des façons grossières de les montrer. »

 

Rapport au milieu et à la critique

Ironie du sort, si Pierre Salvadori adore écrire des comédies, il n’aime pas vraiment aller en voir dans les salles obscures. A l’exception de quelques films comiques américains qui parviennent à rester dignes, pour lui les auteurs français se heurtent à une forme de cynisme. Le genre est trop souvent exploité pour de mauvaises raisons, et principalement dans le but de se faire de l’argent.
La comédie souffre souvent de mauvaises critiques sauf si elle parvient à se distancier et se moquer d’elle-même. « C’est presque du mépris de classe ! ».


Pourtant, de l’avis du réalisateur, « la comédie est l’apologie de la vitalité ». La comédie est un genre qui se prête à la mise en scène et à la poésie.

 

La Leçon de scénario s’est déroulée le 1er octobre 2018 dans le cadre de rencontres consacrées à la comédie, en partenariat avec le FIFF de Namur.

 

Informations et détails sur la séance : https://dev.sacd.be/fr/evenements-en-cours-et-passes/event/459-lecon-de-scenario-pierre-salvadori

 

« La comédie est l’apologie de la vitalité » - Leçon de scénario par Pierre Salvadori

Portrait : D.R.