Coup de projecteur sur Jeanne Brunfaut, Noël Magis & Virginie Nouvelle, Prix Jumelles d'or SACD 2022 !
Jeanne Brunfaut, directrice du Centre du Cinéma, Noël Magis, directeur de screen.brussels et Virginie Nouvelle, directrice de Wallimage, sont les heureux et heureuses lauréat.es du Prix SACD Jumelles d'or 2022. Les associer à travers ce prix honorifique, "n’est-ce pas marier l’eau et le feu" ? Le comité belge n'en a pas jugé ainsi et a tenu à les saluer tous trois "pour leur attention portée en faveur des autrices, des auteurs et leurs multiples écritures". Découvrez sans plus attendre l'éloge du comité belge à leur égard et leurs portraits réalisés par Aliénor Debrocq.
L'éloge du Comité belge
Si le cinéma est, depuis ses origines, à la fois un art et une industrie, cette simultanéité, toujours en tension, marque aussi notre audiovisuel francophone et les personnalités qui le portent. Ainsi, le Centre du Cinéma est le coeur vivant des aides publiques audiovisuelles. Wallimage et screen.brussels sont des fonds purement économiques, ciblés sur les retombées et les dépenses en région. Les associer à travers ces Jumelles d’or, n’est-ce pas marier l’eau et le feu ? Et pourquoi pas ? Les célébrer sur la même scène, c’est pour nous, autrices et auteurs, fêter autant leur singularité que leur coexistence. N’est-elle pas essentielle pour la création et la production de nos oeuvres ? Mais la tolérance réciproque qui est la leur (chacune et chacun restant dans ses compétences) n’appelle-t-elle pas aujourd’hui des avancées nouvelles ?
Façonner un écosystème audiovisuel encore plus intégré, plus entrelacé, entre fonds publics, fonds économiques et investissements privés, c’est l’assurance d’une création libre, diverse et autonome ! Dans l’espoir de futures et inédites synergies, nous tenons ici, avec ces Jumelles d’or, à saluer Jeanne, Virginie et Noël pour leur attention portée en faveur des autrices, des auteurs et leurs multiples écritures.
Luc Jabon, membre du Comité belge de la SACD
Les Jumelles d’Or, portraits par Aliénor Debrocq
Les Jumelles d'or est un prix honorifique et symbolique, non doté, qui a pour but de donner un coup de projecteur à des personnalités ou collectifs qui œuvrent en faveur des auteurs et autrices, de la création et la diversité culturelle en Belgique. Le Comité Belge a donc cette année décidé d'attribuer ce prix à 3 personnalités majeures du secteur audiovisuel belge. La petite particularité est que si le prix est commun, il ne s'agit pas réellement de faire une interview commune, mais bien de recueillir leurs témoignages individuels. Et pour rendre ça sympathique nous avons pensé qu'il serait amusant de leur poser 3-4 questions chacun.e.
Jeanne Brunfaut (directrice du Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel)
AD : Un souvenir marquant de votre parcours ?
JB : Un grand dossier dont je suis fière, c’est certainement la présidence belge de l’Union Européenne en 2010. On a porté tous les dossiers, les textes législatifs, dirigé les discussions : c’était très fédérateur ! Ensuite, depuis que je suis devenue directrice générale adjointe en 2011, il y a eu d’autres grands chantiers, comme la mise en place du fonds FWB-RTBF pour les séries belges, ainsi qu’une nouvelle commission du cinéma ou des initiatives plus limitées, mais qui commencent à avoir de l’impact… La formalisation de la gestion des centres européens du cinéma est ainsi devenue un lobby dont je suis la directrice administrative : c’est très chronophage mais aussi très intéressant !
AD : Quels seront pour vous les grands défis de demain ?
JB : C’est de continuer à être un moteur de la création cinématographique et audiovisuelle, c’est-à-dire pas seulement une administration mais une administration qui propose des choses. J’aimerais aussi étendre cette impulsion aux autres secteurs. La culture est fort différente dans le secteur du cinéma et nos particularités pourraient être proposées à d’autre secteurs : nous avons une place à conserver en étant à la fois soutenants et initiateurs de nouveaux projets. Quand on voit les dernières sélections belges dans les festivals et les prix, je crois qu’on peut affirmer que le Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel a de beaux jours devant lui. Notre cinéma est de plus en plus reconnu, que ce soit du côté des réalisateurs confirmés comme des plus émergents, qui font leur place. C’est super car c’est exactement notre mission : soutenir tous les créateurs !
AD : Un rêve personnel ?
JB : Ce que j’aime dans mon travail, c’est de mettre l’administratif au service du secteur et du public. Tant que je peux faire ça, je continuerai ! Mais si je gagnais au Lotto, je continuerais à le faire en gommant toutes les contraintes imposées par l’administration, qui nous empêchent parfois de faire les choses comme on aimerait ! Oui, mon rêve serait de faire sauter les contraintes ! Je travaille avec beaucoup de plaisir avec les auteurs, c’est chaque fois une rencontre avec un univers différent. Enlever le maximum d’obstacles sur leur chemin me tient à cœur.
AD : Un coup de cœur récent ?
Une des meilleures surprises de ces dernières années est certainement Une vie démente d’Ann Sirot et Raphaël Balboni, d'une qualité rare et qui a rencontré un succès dans le monde entier. J’ai suivi leur parcours et j’ai vu combien il était difficile pour eux de passer du court au long-métrage alors qu’ils avaient une manière de travailler différente de celles des autres. C’est grâce à eux qu’on a mis en place le système des productions légères, et on a vu que ça marchait ! Quand je vois tous nos films présents en festivals, que ce soient les Dardenne, Emmanuelle Nicot ou César Diaz qui a obtenu la Caméra d’Or pour Nuestras Madres, je trouve ça merveilleux de voir l’effet de ces films sur le public et je ne m’en lasserai pas de sitôt ! Et quand je vois mes enfants apprécier le cinéma belge, j’en suis heureuse !
© Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel (CCA)
Noël Magis (Managing Director chez Screen Brussels)
AD : Comment êtes-vous tombé dans la marmite du cinéma ?
BM : Je n’étais pas destiné à travailler dans ce secteur. J’ai un diplôme en journalisme et communication et j’ai assez rapidement travaillé dans la publicité et le marketing. J’ai côtoyé Philippe Reynaert dans une agence de communication et, après plusieurs années de collaboration, il m’a confié un poste de consultance. De fil en aiguille, on en est arrivé à la création de Screen Brussels. Ce qui me passionne, c’est de faire en sorte que la filière audiovisuelle bruxelloise soit efficace, performante. Être un acteur de son développement. Nous aidons tous les métiers de l’audiovisuel – entreprises, artistes, scénaristes – pour qu’ils puissent se développer dans un univers qui, en Belgique, est essentiellement alimenté par le Tax Shelter et les deux fonds culturels. C’est la force de la Belgique d’avoir des guichets de financement complémentaires les uns par rapport aux autres.
AD : Votre plus grande réalisation professionnelle ?
BM : Sans aucun doute la création de Screen Brussels en 2016 : un fonds régional bruxellois indépendant ! Ma seule petite frustration, c’est le budget dont on dispose : trois millions d’euros alors qu’on devrait idéalement atteindre les cinq millions. Mais il faudra attendre pour contribuer à ce refinancement... Il est toujours valorisant d’être reconnu pour l’humble rôle qu’on peut jouer dans un écosystème créatif. On a beau avoir en main les budgets de production, ce sont les autrices et auteurs qui sont à la base des contenus. Nous sommes là pour mettre en place tout ce qui peut les aider à développer leurs créations, à évoluer dans un écosystème sain et pérenne, qui reconnaisse leur rôle capital dans le succès de l’audiovisuel belge.
AD : Votre vision du secteur audiovisuel en Belgique francophone pour l’avenir ?
BM : Nous sommes un fonds bilingue : deux communautés, deux marchés, ce qui est très intéressant. Ce dont je rêve, c’est de pouvoir intervenir sur plus de productions nationales ou bilingues, comme la série RTBF 1985, qui revient sur les tueries du Brabant Wallon avec des acteurs flamands et francophones. Il y a là un grand potentiel, de revoir nos histoires et nos « storytelling » en nous inspirant de faits en lien avec le passé de la Belgique. En tant que dirigeant de Screen Brussels, je trouverais intéressant de pouvoir en proposer davantage.
AD : Un coup de cœur personnel ?
BM : En Belgique, nous avons une dizaine de studios indépendants dans le secteur de l’animation, qui remportent des gros succès nationaux et internationaux. C’est ce secteur qui remporte ma faveur, tant pour les long-métrages que pour les séries. C’est une tradition qui s’inscrit dans la continuité de la bande dessinée, avec aussi de très bonnes écoles comme La Cambre et Saint-Luc. Tout cela fait que ce secteur est florissant et original, en particulier à Bruxelles.
© Screen.brussels
Virginie Nouvelle (directrice générale de Wallimage)
AD : Quelle est votre plus grande fierté ?
VN : Je suis particulière fière de parvenir à soutenir la création et la diversité culturelle avec un outil économique comme Wallimage. Notre mission est de développer l’industrie audiovisuelle wallonne et son positionnement économique en maximisant l’effet démultiplicateur de nos investissements. Nous avons des contraintes de résultats, mais nous avons pu intégrer dans nos grilles d’analyse le soutien à la création artistique qui nous tient tant à cœur. Et, dans cette optique, pour compléter nos actions, nous avons réussi à mettre sur pied, sur fonds propres et de manière volontariste, un outil d’aide au développement.
AD : Si vous deviez faire un vœu pour le secteur de l'audiovisuel en Belgique, quel serait-il ?
VN : Je souhaite du succès au cinéma belge ! C’est un cinéma extrêmement qualitatif, plébiscité à l’international dans les plus grands festivals. Mais il n’est pas reconnu à sa juste valeur par le grand public. Mon vœu le plus cher serait donc un gros succès d’audience pour un film belge francophone…
AD : Quelle est votre vision du management ?
VN : Un manager efficace, c’est avant tout un manager inspirant et à l’écoute de ses collaborateurs. Je suis convaincue qu’on maximise l’efficacité d’une équipe en misant sur les qualités propres aux uns et aux autres et en accordant sa confiance à chacun, mais aussi en étant plus exigeant envers soi-même qu’envers les autres, tant au niveau de l’implication que de la créativité et du dynamisme au quotidien.
Travailler avec quelqu’un qu’on estime et en qui on croit nous pousse à donner le meilleur de nous-même. C’est la bonne manière de doper la motivation de tous, et qu’ainsi la force d’une équipe soit supérieure à la somme des membres qui la composent.
© Wallimage
Propos recueillis par Aliénor Debrocq
Pour aller plus loin
Retrouvez l'ensemble du palmarès des Prix SACD 2022.
© Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel (CCA)
Jeanne Brunfaut, Directrice générale adjointe du Service Général de l'Audiovisuel et des Médias et Directrice du Centre du Cinéma et de l'Audiovisuel de la FW-B, participe à l'évolution du secteur via des réalisations comme la réforme des systèmes d’aides à la production et à la promotion du cinéma belge francophone ou encore la négociation et la signature d'accords de coproduction internationaux. Elle est aussi Directrice administrative de l’EFAD, l'association des centres du cinéma.
© Alice Khol
Noël Magis est Directeur général de screen.brussels depuis 2016 et gère le fonds audiovisuel bruxellois depuis 2010. Il est aussi Administrateur de CineRegio, le réseau européen de fonds cinématographiques régionaux, ainsi que du Centre Vidéo de Bruxelles, atelier de production de films documentaires. Outre ses activités professionnelles, Noël est impliqué depuis près de trente ans dans le spectacle vivant en tant que Président de l'Espace Catastrophe, aujourd'hui appelé Up – Circus and Performing Arts.
© Wallimage
Après des études d'Ingénieur de gestion, Virginie entame sa carrière en tant qu'auditeur junior chez KPMG. Rapidement, elle est engagée en tant que Coordinatrice financière chez Wallimage pour mettre en place le financement aux entreprises. Elle intègre ensuite le département Coproductions et assume aussi la responsabilité financière du fonds. Elle participe par ailleurs à la mise en place du fonds St’Art Invest, ainsi que quelques années plus tard du Fonds W.I.N.G de la SRIW. Depuis le 1er décembre 2020, elle est la Directrice générale de Wallimage.