Tonnerre d'applaudissements pour The Extraordinary Film Festival, Prix Jumelles d'or 2023 !

« La SACD est persuadée de l’importance des récits autour des personnes en situation de handicap physique, sensori-moteur et intellectuel, pour en faire évoluer le cours vers une représentation émancipatrice », c'est pourquoi l'un des Prix Jumelles d'or 2023 est décerné à The Extraordinary Film Festival (TEFF) ! À découvrir, l'éloge du Comité belge à son sujet et l'entretien de Luc Boland, fondateur et directeur du festival. Et pour vous donner un avant-goût, la mission de ce festival "extraordinaire" tout public : «  faire exploser les cloisons de la culture en diffusant des films sur le sujet du handicap ». Bonne lecture !

L'éloge du Comité belge

Pour remercier Luc Boland et son équipe d’offrir au paysage cinématographique de la Fédération Wallonie-Bruxelles un tel festival, nous commencerons par les féliciter pour le choix de leur nom. Car oui, il ne s’agit pas d’un festival «extra-ordinaire», mais bel et bien d’un festival «extraordinaire» !

La SACD est persuadée de l’importance des récits autour des personnes en situation de handicap physique, sensori-moteur et intellectuel, pour en faire évoluer le cours vers une représentation émancipatrice. C’est par la diffusion de tels films que des personnes qui n’ont pas la chance d’être en relation avec la «singularité humaine» peuvent y avoir accès. Rien de plus beau qu’une entrée dans ce monde malheureusement parallèle du «handicap» par l’art du cinéma, la fiction, la poésie ou encore l’œil du documentaire.

Les films présentés aux publics par The Extraordinary Film Festival sont des occasions d’entrer dans ce monde d’une grande richesse parfois par d’autres sujets que le «handicap», par ce qui fait de nous toutes et tous des humains et des humaines singulier·e·s.

Nous reconnaissons ici, chère équipe du TEFF, l’importance de votre travail de titans ! Nous espérons vous voir déployer maintes façons d’envisager ces questions sociétales majeures. Nous serons là pour écouter les récits des artistes que vous soutenez. Belle vie au Festival !

Céline Beigbeder, membre du Comité belge de la SACD

Le TEFF fait tomber les masques

Avec un public en hausse constante et une programmation de plus en plus riche, ‘The Extraordinary Film Festival’ (TEFF) réalise plus que jamais sa mission : faire exploser les cloisons de la culture en diffusant des films sur le sujet du handicap. Près de quinze ans après la première édition, son directeur artistique, Luc Boland, se réjouit du travail accompli, sans perdre de vue le chemin restant à parcourir.

Comment est née l'idée d’un festival de cinéma consacré au sujet des personnes en situation de handicap ?

Au départ je suis réalisateur et scénariste. J'ai fait plusieurs téléfilms et, il y a vingt-cinq ans, est arrivé dans ma vie un petit bonhomme né aveugle et autiste. Ça n'a pas été facile à avaler et, quand mon fils a eu cinq ans, j'ai voulu faire un documentaire sur lui. En fait, je le filmais pour essayer de le comprendre. Le docu s'appelle 'Lettre à Lou' et ça a parlé à plein de gens, bien au-delà des personnes concernées par le handicap. Une sorte d'universalité devant l'obstacle émanait sans doute du film. Suite à ça, j'ai été invité dans de nombreux festivals à travers le monde, et j’ai découvert que certains d’entre eux étaient entièrement dédiés au thème du handicap. J’y ai vu des films éblouissants qui, avec l'encombrement des tuyaux du cinéma, n'arriveraient jamais en Belgique, que ce soit en salle ou à la télévision. L’idée d’organiser chez nous un festival de la même veine a fait son chemin, et on a produit une sorte d’avant-première en 2010. On y a convié les pouvoir publics, qui se sont laissés convaincre. C'est comme ça qu'est né le festival et il grandit encore. À chaque édition, le public augmente de 15%. Actuellement, on comptabilise 8300 entrées. C'est pas les chiffres du BIFFF ou du FIFF mais, avec notre sujet si singulier, c'est une vraie réussite.

À qui s'adresse le festival ?

On observe un véritable brassage, ce qui nous rend très fiers. Des invités internationaux, des cinéastes, des festivaliers porteurs de handicap ou pas. Et entre chaque séance, dans le foyer, tout ce beau monde se mélange. Ce n'est donc pas une grand-messe entre gentilles personnes handicapées. La question de l'accessibilité aux salles et aux films est évidemment dans notre ADN, mais notre volonté est aussi d'organiser un événement culturel et grand public. En plus, le sujet du handicap cadre bien avec le cinéma. Une histoire ne tient qu'avec un protagoniste confronté à un obstacle. Quoi de plus vaste que le handicap pour explorer cela ? 

Comment décririez-vous l'ambiance ?

Très conviviale ! On a beaucoup d’habitués mais ce qui est fou, c’est à quel point les nouveaux venus changent de visage entre le moment où ils arrivent, et celui où ils sortent de la séance. On porte tous un masque dans la vie de tous les jours, mais les personnes avec un handicap, elles, n'ont pas le temps ou le filtre pour en porter un. Voir des gens à l'écran qui ne portent pas de masque, ça pousse à enlever le sien. Ce qui enrichit inévitablement les échanges et les partages après les projections. Personne n’y parle de la météo et tout le monde va droit au but !

© Philippe Santantonio

Le cinéma est-il un meilleur outil qu'un autre pour parler de handicap ?

Le médium audiovisuel a une puissance colossale. Pensez à ‘E.T.’, un film grand public qui a complètement modifié notre représentation de l'ennemi extra-terrestre. Toutes proportions gardées, mon film a lui aussi créé des vagues. À sa sortie en 2005, une bonne dizaine d’ados m'ont dit que ça leur donnait envie de se consacrer au handicap. Dix ans après, ils m'écrivaient pour me raconter leurs avancées professionnelles dans le domaine. On ne peut pas rêver mieux !

Comment se passe la sélection des films ?
On a un comité de plusieurs personnes, et on est très exigeants. On veut du cinéma pur. Le fond compte autant que la forme. Tout comme une certaine crédibilité. Avec l'expérience, je sens tout de suite si le travail est bien documenté. Par exemple, on a un jour écarté un court-métrage sur un ado sourd faisant le choix d’utiliser un implant cochléaire. Un sujet très intéressant qui pose la question de l'éloignement, voire de la rupture avec la communauté des sourds qui signent. Mais dans le film l'implant arrive par la poste, l’ado le met dans son oreille et, d’un coup, il entend parfaitement. Si je diffuse ce film devant des malentendants, je me fais trucider. Le réalisateur avait visiblement oublié de se documenter.

En matière d’emploi, quelle place est accordée aux personnes en situation de handicap dans l’industrie du cinéma ?

Il n'y a pas beaucoup d'auteurs porteurs de handicap, encore moins de réalisateurs ou de techniciens. Je ne dis pas que chaque métier peut être assuré aussi efficacement par tout le monde, mais engager un autiste Asperger comme scripte, ça pourrait apporter quelque chose de vertueux au tournage, non ? Et avec des personnes porteuses de handicap derrière la caméra, on sait bien que la représentation devant s'ouvre aussi. En Belgique, la représentation des personnes avec une situation de handicap représente 0,47% du contenu des médias, pour une réalité avoisinant les 15%. L'Angleterre est à 8,6%. Et ça s'explique très simplement. Il y a là-bas une coercition dans l'emploi. Ils sont obligés de respecter la diversité dans le personnel des radios et des télévisions. Ils ont aussi des devoirs de programmation équilibrés. En Angleterre, madame météo a un bras en moins, et ça ne pose de problème à personne.

© Philippe Santantonio

Votre fils Lou a une grande place dans la genèse du festival, mais vous l'impliquez aussi dans sa fabrication...

Quelque part, c'est grâce à Lou que le festival existe. Et dès la première édition, quand il avait quatorze ans, je lui ai demandé de faire la musique. La petite mélodie du festival, c'est lui qui l'a composée. Il l'adapte à chaque édition pour le montage vidéo présentant les films. Et moi je me charge du montage. Je raconte une histoire en trois minutes avec les extraits de notre sélection. Ça me donne l’occasion, tous les deux ans, de repartir en studio avec Lou. C'est mon petit bonheur en plus de l’organisation.

Propos recueillis par Stanislas Ide

Pour prolonger votre lecture

• Consulter le site de EOP Asbl
• Consulter le site du TEFF pour appronfondir vos connaissances sur le festival
• Découvrir la chaîne YoutTube du TEFF
• Jeter un coup d'oeil à l'Instagram et au Facebook du TEFF

© Philippe Santantonio