On ne se prive pas de telles richesses, par Maud Joiret
Qui sont les auteurs et autrices jeunesse ? Ont-ils les moyens de créer ? Quelles solutions sont mises en palce ? Pour le troisième Magazine des Auteurs et des Autrices, Maud Joiret fait le point et le rappelle la seule chose dont on puisse être sûr : on ne se prive pas de telles richesses.
C’est quoi, un.e auteur.trice jeunesse ?
C’est flou. Hein.
Mais c’est aussi très précis, en fait.
Les auteurs et autrices jeunesse écrivent pour le théâtre, pour la radio, pour le cinéma de fiction, d’animation, de documentaire, font œuvre de littérature, illustrent, et toujours : écrivent à l’intention des petit.e.s et des grand.e.s quelque chose qui donne sens aux agitations humaines et non humaines — bref : ils et elles travaillent (et, en général, ne sont pas payé.e.s correctement pour le faire).
Sous couvert de quoi, au juste, (on ne va pas rouvrir ici le débat) (puisqu’on n’a que deux pages), sous couvert de quoi donc range-t-on systématiquement les différentes pratiques d’illustration, d’écriture scénario, de théâtre ou de roman, d’animation, etc. sous le paradigme brumeux et réducteur de « jeunesse » ? Parce qu’on donne dans l’âgisme sans doute (enfant = sous-adulte). Avec pour conséquence dommageable d’écarter des sélections et des prix, des systèmes de reconnaissance et de valorisation tout un pan du secteur (au mieux, c’est un prix « à part » ; au pire : c’est l’invisibilisation totale).
Un paradoxe à déminer : l’enjeu est énorme, les moyens sous-estimés.
Grosso modo, dès qu’on travaille pour la « jeunesse », on est encore moins valorisé au niveau professionnel (entendre : argent et reconnaissance, et vice versa) alors que le public — ou plutôt : les publics sont de la première importance. Rencontrer des classes, préparer un atelier, parler de son œuvre, se déplacer, échanger, animer est un travail qui n’est pas gratuit.
Les points d’embûches et de luttes sont connus, les initiatives à revoir aussi : sensibiliser les étudiant.e.s des écoles au monde du livre et de l’édition dans le but de les professionnaliser, clarifier le système de demande des auteurs et autrices en classe à la Fédération Wallonie-Bruxelles, revoir les barèmes de paiement, former aux outils numériques, continuer à défendre le fait que créer une œuvre, ça prend du temps donc ça nécessite de l’argent...
C’est vrai, disons-le aussi, qu’aujourd’hui de nombreuses initiatives poussent ici et là en faveur du répertoire (des répertoires, avons-nous envie de préciser). Aides et communications, bourses, charte de la littérature de jeunesse, prix spécifiques, démarches dans les écoles et mobilisations sectorielles apportent un souffle nécessaire aux auteurs et autrices qui écrivent pour celles et ceux en devenir (et n’est-on pas tous.tes en devenir ?).
Ce n’est pas peu dire que l’enjeu qu’ils et elles prennent à leur mesure est énorme : de l’éveil, de l’alphabétisation à l’extension de l’imaginaire, les auteurs et autrices jeunesse créent un possible politique, citoyen, éthique.
On ne se prive pas de telles richesses.
# PayeTonAuteur
Hashtag mobilisateur, #PayeTonAuteur est né de la colère de la profession au dernier Salon Livre Paris. Devant l’absence totale de rémunération proposée aux auteurs et autrices pour les rencontres, plateaux, table-rondes... sous couvert que ces prestations font partie de la « promotion », les auteurs et autrices se sont exprimé.e.s en force sur les réseaux sociaux, sous l’impulsion de Samantha Bailly, en dénonçant ces pratiques qui minent la profession. Le mouvement y est né, lancé par La Charte des auteurs et des illustrateurs pour la jeunesse, rejointe par le groupement des Auteurs de Bande dessinée (SNAC), et a été aussi porté par les youtubeurs et les lecteur.trice.s. La mobilisation a payé et continue !
www.payetonauteur.com
La SACD soutient les auteur.trice.s pour la jeunesse :
• En organisant des rencontres qui vous réunissent autour de vos pratiques ;
• En attribuant des prix décernés par vos pairs : récemment Didier Poiteaux en Spectacle vivant, mais aussi Christine Burnet qui déjà en 1986 a reçu le 1er prix SACD décerné pour une œuvre jeunesse ;
• En vous rencontrant et vous soutenant ici et là-bas lors des rencontres professionnelles, avec les membres du Comité belge.
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