Aujourd'hui comme hier
Le 23 avril c’est aussi la journée internationale du droit d’auteur. À cette occasion, Frédéric Young retrace le combat ardent mené par les auteurs et autrices pour défendre leur droit à une juste rémunération, leur liberté de création et leur place dans la société depuis 1777 et l’origine de la SACD, et que nous continuons de mener ensemble aujourd'hui.
Au XVIIIème siècle, Beaumarchais, personnage aux multiples talents, va affronter la puissante Comédie française, dont le fonctionnement monopolistique méprise les intérêts des auteurs, et bride tous ceux qui voudraient faire un théâtre différent.
Son mode de rémunération des auteurs est très flou, comme le constate Beaumarchais qui demande des décomptes précis après les représentations de ses œuvres. Ses démarches irritent, puis inquiètent la Comédie française qui ira jusqu’à tenter de le corrompre.
Beaumarchais interpelle Richelieu, et est chargé d’une mission de compromis. Il rédige un rapport (… comme M. Racine aujourd’hui).
La réaction de l’institution va être cinglante, elle vient de M. de Bellecourt, l’un de ses sociétaires.
Sa lettre un modèle pour qui estime que les auteurs sont assez bien rémunérés quand on daigne déjà les régler en Monnaie de Narcisse, en billets pour les représentations, ou comme encore souvent aujourd’hui uniquement en exemplaires d’auteur.
« On vient de me faire parvenir et je ne puis vous dire ni par qui, ni comment, les prétentions absurdes et sans droit du corps imaginaire des auteurs […] Comment ont-ils pu se figurer qu’aiant pour chefs quatre Ducs et pairs, dou nous viennent les ordres de Sa Majesté, nous serons assez laches pour les recevoir deux ou de leurs commissaires, que ces auteurs fameux qui les ont précédés les Corneilles, Racines, Crébillon, Voltaire, …, eussent eu cette prétention elle n’eut pas été juste mais au moins supportable et au moins le talent eu pu se plier sous le joug du génie ».
Opposant la légitimité de l’Institution issue de la volonté du Roi, à celle qu’il estime sans autre fondement des auteurs, la Comédie française refusera simplement toutes les propositions de Beaumarchais.
Son attitude semble outrancière et acculée ? La citadelle de la Comédie française tiendra bon jusqu’à la Révolution et les créateurs et créatrices découvriront que leur combat est une comédie ou un drame sans fin (selon le côté que vous choisirez), inlassablement rejoué d’auteur en auteur, d’œuvre en œuvre, d’époque en époque.
De son côté, Beaumarchais fonde un Bureau qui deviendra la SACD et promeut une nouvelle législation qui mettra fin aux privilèges, le modèle de gestion des œuvres à l’époque.
La SACD évoluera avec les auteurs de chaque époque, affrontant ces puissances culturelles ou ces entreprises commerciales dominantes, dont les intentions et les discours, eux, ne changent guère, pour qui la création est secondaire, et sa rémunération une désagréable obligation qu’il s’agit de contourner ou de réduire au minimum.
En cette journée mondiale du droit des auteurs et des autrices, l’Histoire nous inspire et nous guide. Dans la crise actuelle, nous allons simplement continuer à agir, à vos côtés, pour une meilleure reconnaissance de votre contribution à la vie de vos concitoyen.ne.s et pour le respect de vos droits, acquis de haute lutte au fil des deux siècles passés.
Ce texte est en partie tiré et adapté d’un essai de Frédéric Young sur le droit d’auteur, à paraître aux éditions Larcier.