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Ilona, la stand-uppeuse qui tacle l'échec

Vendredi 3 Janvier 2025

Partenaire de festivals d’humour tels que Namur is a joke ou Il est temps d’en rire, la SACD s’associe aujourd’hui avec fierté au FIRR, ce festival belge emblématique qui, avec une programmation répartie sur trois semaines, s’est donné pour mission de promouvoir les talents de demain. Pour marquer ce partenariat et le soutien apporté à la résidence, elle vous invite à découvrir Ilona, son autrice en résidence à Rochefort. 

Rencontre par Isabelle Plumhans

On la découvre, Ilona, dans les locaux de la MEDAA. Gouaille, voix portante, humour omniprésent et documenté. Elle qui du haut de ses 25 ans a essayé mille choses, s'est parfois pris les pieds dans le tapis, a galéré, et a décidé de faire de ses échecs un spectacle, épaulée par la première résidence d’artiste mise en place par le Festival International du Rire de Rochefort – le FIRR. Résidence à laquelle la SACD s’est associée en co-finançant une bourse de 1.000€ remise à l'auteur ou l'autrice sélectionné.e. Rencontre.

 « J'étais forte à l'école. J'ai très bien réussi la primaire, le secondaire. » Puis après elle a morflé. Pour se couler dans un moule, peut-être ? Parce qu'elle, elle avait en commençant ses études, ce souci : « avoir le cachet de l'intelligence ». Suivre les traces professionnelles d'un père, entre autre. Sauf qu'elle tend à autre chose. « J'ai voulu avoir une vraie carrière. Mais j'ai brillamment raté mes études. » Soit le droit- deux ans, la comm'- trois mois, la littérature- une après-midi, puis les examens d'entrée à l'INSAS. Enfin, la biologie et les sciences biomédicales. « J'aime trop tout, je suis obsédée par la science », nous confie la jeune femme, voix rauque et thé matcha à la main, qui nous dira plus loin dans l'entretien : « quand je m'ennuie, je résous des problèmes de chimie. Ça m'apaise. » Surtout que pour elle, la science, ça donne ce « cachet d'intelligence » tant souhaité. Sauf que tout ça ne fait pas vibrer. Parce qu'Ilona a beau se passionner pour diverses matières, elle ne ressent pas ce truc dans le ventre, quand elle s'attelle à une chose, qui fait qu'on sait qu'on est au bon endroit, au bon moment.

Vibrer pour créer

Mais il suffira de presque rien. Ce seront ses copines de fac : « Je les faisais rire pendant la pause, en blocus. J'ai toujours eu ce rôle de comique, déjà dans la famille. À un moment où j'étais un peu moins bien, sans me le dire, elles m'ont offert un billet pour un spectacle au Kings. » Elle va au spectacle, elle voit, et elle comprend que c'est ça qu'elle veut faire, qui la fait vibrer. Donc, panache en poche, gouaille, humour documenté et voix rocailleuse, elle interpelle le directeur de ce fameux lieu de stand up bruxellois : elle veut travailler ici ! Elle obtient un « Open Mic », moment où de jeunes pousses prennent le micro pendant quelques minutes, ou plus, ou moins. Et elle se lance dans une carrière d'apprentie stand-uppeuse. C'est là, dit-elle, qu'elle a enfin conn​u ce sentiment, dans le ventre, « que tu es à la bonne place ».

En marge de ces spectacles, elle commence à écrire en format plus long, et à penser spectacles plus construits. Elle s'« alimente de ce qu'elle aime, cinéma, théâtre, littérature. » Elle décrit aussi et surtout ce qu'elle a l'impression d'avoir vécu : l'échec révélateur, celui qui nous fait devenir nous. Puis, celle qu'on devine jusqu'au-boutiste nous lâche : l’« écriture du one-woman show, l'écriture en général, c'est un exercice solitaire. Il y avait des codes que je n'avais pas. Ceux des silences, de la respiration... J'avais besoin d'un œil extérieur. » 

Envol épaulé

Alors, elle qui fait tout à la dernière minute, décide, « le soir avant la limite des candidatures », de poser son dossier pour candidater à la nouvelle résidence du FIRR. « J'ai été prise. Mais je pense que j'étais en balance avec une autre personne : ils m'ont appelé pour me poser des questions sur ma démarche, sur mon attente. » Son attente ? Avoir ces justes codes qui lui permettront de mener son projet, son texte, à bout et sur scène.

Sélectionnée pour une résidence à Rochefort, il y a d'abord en amont une première rencontre avec celui que le FIRR a choisi pour la coacher, Philippe Sohier. Un premier contact « d'une demi-heure, droit au but ». « J'avais un peu peur. Un homme, de plus de 50 ans. On était sur deux planètes différentes, je me disais. » Sauf que cette première courte rencontre se passe bien. Droit au but, donc : « Il m'a​ demandé : c'est quoi, ton objectif ? »

Après cette rencontre, ce lien clair ne s'est pas rompu. « Quand je faisais des scènes, à Bruxelles, il m'appelait ou m'envoyait des messages pour savoir comment ça s'était passé. Il était très présent. »

Puis quelques semaines plus tard, Ilona débarque pour dix jours avec ses bagages à Rochefort, un lieu qu'elle connait puisqu'elle y a déjà fait deux festivals du rire. Elle s'installe dans son gîte de résidence. Et là, enfin, elle prend le temps de l'écriture, un temps qu'elle n'avait que trop peu chez elle à Bruxelles, pour peaufiner les mots de son spectacle, durant quatre jours de solitude. Elle, rompue à la pédagogie active, fonctionne pour cette écriture en « MindMap », et ressent le besoin absolu de marcher, pour décanter.


Résidence accompagnée

Puis, au bout de ces quelques jours d'écriture solitaire, arrive Philippe. À son arrivée, il lui dit tout de go : « je vais faire une sieste, on commence après. » Il s'installe dans le gîte à côté. Puis le travail commence, avec les termes du « contrat » de résidence : « Moi, je lui avais dit 'j'ai besoin de cadre ». Et on a fait un travail de ouf ensemble. Il m'a apporté les clefs pour des portes que je ne savais pas que j'avais envie d'ouvrir. Il m'a ouvert des possibles. Genre : le noir et blanc, c'est mieux sur ce sujet. Il m'a appris les silences. » Parce qu'elle est comme ça, Ilona. Elle parle cinéma, théâtre, alors qu'on est censées parler stand-up. Une écriture qu'elle estimait donc très solitaire. Sauf que durant cette résidence, les choses ont changé. « C’était la première fois que je pouvais partager, et avoir l'avis de quelqu'un qui soit très différent du mien. Même si j'avais un peu peur quand il est arrivé, quand il est parti, j'avais envie de pleurer. Et je pense que lui aussi… » 

Une collaboration dans les deux sens que cette résidence, l'échange de points de vue au service d'une scène qui soit riche de témoignages et d'expériences. Une résidence qui valorise la recherche de soi, du bon ton, de la bonne attitude, et surtout, des erreurs pour avancer. Et pour savoir aborder tout ça avec la juste respiration, le bon humour. D'ailleurs, au moment de nous quitter, Ilona lance un « Merci l'échec », dans un éclat de rire. Un échec réussi, qui lui aura valu une résidence au FIRR et une bourse SACD bien méritée. Un échec à découvrir sur scène, très vite.


Un article d'Isabelle Plumhans

 

Ilona en représentation 

Retrouvez Ilona sur scène en 2025 :

 

Fonds et bourses pour l'humour à la SACD

C'est tout neuf, la SACD soutient des résidences d’écriture pour les arts de la scène et 2025, sera une année focus résidence.

Deux types de bourses sont proposées : la bourse résidence d’écriture projets d’arts de la scène et la bourse résidence d’écriture pour les projets d’animation. La bourse arts de la scène sera tout répertoire confondu, y compris pour l'humour, ainsi qu'Ilona a pu en profiter.

Découvrez le "catalogue des bourses" proposées par la SACD 

En outre, la SACD soutient l'humour et le one-woman/man show – 1 à 3 interprète soutenus - avec le Fonds SACD Humour. Chaque année, des productions « découverte », « création » et diffusion sont ainsi accompagnées, logistiquement, financièrement, humainement. Une initiative et un projet mené par la SACD France, et dont peuvent bénéficier les auteurs et autrices belges.

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Ilona, la stand-uppeuse qui tacle l'échec
© Barbara Brauns