Compte rendu de la Rencontre SACD sur l’écriture de comédie
Le 3 octobre dernier, au FIFF Namur, la SACD organisait sa rencontre annuelle des auteurs et des autrices, consacrée cette fois-ci à la comédie, la spécificité de ses modèles d'écriture, de financement, de diffusion... Voici le compte-rendu de cette discussion passionnante.
La rencontre des auteurs et des autrices
Oui, une comédie peut être un vrai film d’auteur. Et pourtant, ce genre peut manquer de considération et faire face à la frilosité de certains professionnels du secteur. Face à ces constats, quelles solutions proposer ? Les comédies étant particulièrement présentes lors de la dernière édition du FIFF, la SACD a décidé de confronter les expériences, et d’aborder des questions liées à l'écriture, à la production, et au financement de ce type de projets.
Modérée par Jean-Luc Goossens (scénariste et Président du Comité belge de la SACD) et Véronique Jadin (scénariste et membre du Comité belge), la Rencontre des Auteurs et des Autrices donnait la parole à :
. Ivan Goldshmidt, scénariste
. Anton Iffland Stettner, producteur chez Stenola
. Joëlle Levie, présidente de la Commission de sélection des films
. Nicole Palo, scénariste et réalisatrice, autrice d'Emma Peeters, sorti à l’automne 2018
. Jean-Benoît Ugeux, scénariste, réalisateur et acteur, travaille notamment sur une série en cours d’écriture, Prince Albert
Retrouvez quelques infos sur la rencontre ici.
Compte-rendu
Jean-Luc Goossens, scénariste et Président du Comité belge de la SACD : La comédie, c’est dramatique ! Il s’agit toujours de situations difficiles, tant pour les personnages (car plus ils traversent des situations compliquées, plus c’est drôle) que pour les auteurs, car c’est un genre très dur à écrire, à lire, à financer, à produire… ce n’est vraiment pas la voie la plus facile.
Joëlle Levie, Présidente de la Commission du Film : Comme je l’ai constaté lors de mon expérience à la SODEC (Société de développement des entreprises culturelles, au Québec), la comédie a réconcilié le public avec le cinéma ! Tout a commencé avec un producteur qui a décidé de financer un film sur le hockey (donc un sujet très local, réalisé par un réalisateur de série télévisée avec un comédien de télévision pour incarner le premier rôle) : un véritable ovni au milieu des films d’auteurs assez confidentiels qui étaient habituellement produits. La SODEC a pris le risque de financer ce projet, qui s’est avéré un très grand succès. Ce film a été un véritable élément déclencheur dans le paysage, des auteurs au public en passant par les producteurs, les institutions subsidiantes. Bien entendu, toutes les comédies ne « marchent » pas, mais le genre a désormais toute sa place.
Jean-Luc Goossens : Comment pourrait-on transposer cela en Belgique ? La Commission sera-t-elle réceptive à des projets de comédie ?
Joëlle Levie : Oui ! La Commission est parfois diabolisée, comme si elle avait un droit de vie ou de mort sur les projets, mais depuis deux ou trois ans, on note une évolution dans les types de projets soutenus, qui va dans le sens d’une vraie ouverture aux films de genre (comédie, SF, thriller…). Lors de la dernière session par exemple,
. 2 comédies ont reçu l’aide à l’écriture (sur 8 projets soutenus)
. 1 comédie a reçu l’aide au développement (sur 6 projets soutenus)
. 1 comédie sur 4 longs métrages au 1er collège
. 1 comédie sur 1 long métrage au 2ème collège
… et pourtant un projet de comédie est particulièrement dur à lire ! Il n’est pas évident entre autres de rire de soi-même, d’un fait local. C’est encore une petite difficulté à franchir.
Ivan Goldshmidt, scénariste : C’est particulièrement difficile de lire une comédie, puisque ça passe beaucoup par la mise en scène, le jeu des acteurs… Les lecteurs dans les commissions sont réputés frileux, choqués, et il y a donc un risque d’autocensure de la part des auteurs.
Jean-Luc Goossens : Comment gérer ce sentiment d’autocensure ?
Jean-Benoît Ugeux, comédien, scénariste et membre du Comité belge de la SACD : On s’est fixé des limites (la religion par exemple), mais la question de la liberté de ton reste compliquée à résoudre (surtout avec la RTBF, où il y a beaucoup de français qui viennent nous expliquer ce qui est drôle ou pas).
C’est très difficile de faire passer l’humour sur papier, surtout s’il s’agit d’humour visuel, qui repose sur la mise en scène, car sur papier, seules les blagues potaches ressortent.
Jean-Luc Goossens : Et ce d’autant plus que l’humour vient de la surprise, or si les lecteurs s’usent à lire et relire les scénarios, c’est un peu moins drôle à chaque fois.
Joëlle Levie : Je pense pouvoir affirmer qu’à la Commission, tous les lecteurs savent lire !
Il faut qu’il y ait un vrai sujet, un vrai propos. La frilosité n’est pas due au genre, pour chaque projet qu’on nous soumet on se demande s’il va donner un film que le public aura envie de voir.
Véronique Jadin, scénariste et membre du Comité belge de la SACD : Une comédie peut-elle traverser les frontières ? Qu’en est-il du film Emma Peeters, par exemple ?
Nicole Palo, scénariste et réalisatrice d’Emma Peeters : Souvent, les comédies s’ancrent dans une réalité locale en effet, donc (ne) font rire (que) localement… mais ceci est une idée reçue, par exemple Emma Peeters a été vendu en Italie ! C’est peut-être dû au fait que le sujet est universel, et que le comique repose sur des situations et pas que sur les dialogues.
L’enjeu est de trouver le ton juste. Bien souvent, la comédie parle d’un sujet grave, et plus c’est grave, plus ça peut être drôle ! Malheureusement, ceux qui lisent les projets n’acceptent pas toujours cela, on peut entendre des « on ne peut pas rire de ça » Si, on peut rire et faire rire de tout, mais il faut trouver le ton juste. Par exemple, ce chemin entre l’émotion et le drame, c’est dans la caractérisation des personnages que je l’ai trouvé. C’est une question de crédibilité : la situation peut être extrêmement farfelue tant qu’elle est crédible et logique du point de vue de la caractérisation du personnage.
Anton Iffland Stettner, producteur (Stenola) : Mais la difficulté, c’est que l’humour est très culturel, très spécifique – tout en prenant de nombreuses formes. C’est aussi très subjectif et personnel.
Jean-Luc Goossens : Est-ce que c’est plus compliqué de monter une production sur une comédie ? Ou même une coproduction, par exemple avec la France où les comédies semblent très formatées ?
Anton Iffland Stettner : Non, ce n’est pas forcément plus difficile que pour d’autres genres.
Véronique Jadin : Il y a tout de même des comédies qui s’exportent et rencontrent de grands succès hors de nos frontières, regardez les films d’Abel et Gordon !
Nicole Palo : En ce qui me concerne, ça a été compliqué avec la France mais le Québec a sauvé mon projet ! Je les ai trouvés moins frileux, ils ont un pied en Europe et un autre aux USA, ce qui correspondait bien à mon film. Et la coproduction est un très bon levier de circulation d’un film hors de son territoire… mais elle impose peut-être un biais d’écriture pour convaincre des coproducteurs étrangers.
Joëlle Levie : La comédie est souvent transgressive. Avez-vous l’impression qu’il y a des mécanismes d’autocensure, des choses qu’on ne peut pas dire, pas faire, pas montrer ?
Ivan Goldshmidt : Avant, on avait une plus grande liberté d’expression, mais en France en tout cas depuis l’ère Sarkozy ça a changé, il y a plus d’autocensure. Les comédies sont revues et corrigées, on préfère le politiquement correct (il y a aussi un processus de « judiciarisation »). Heureusement en Belgique c’est moins le cas, mais certains lecteurs sont plus prompts à s’offusquer et il faut être vigilant.
Tout de même, tandis que les auteurs ont une expérience de terrain et une idée de ce que sera le film, pour les lecteurs l’expérience est plus sèche, plus aride, et c’est plus difficile de se projeter.
Joëlle Levie : Après chaque commission, on se demande si on a fait les bons choix. Pour être financés en Belgique, les films ne peuvent pas coûter plus qu’1.2 ou1.3 millions d’euros. Il faut chercher les coproductions, et la Commission est toujours la première étape pour avoir une coproduction. Il reste possible qu’une perle nous échappe, mais bien souvent les films refusés sont aussi ceux qui ne peuvent pas être financés.
Véronique Jadin : Le projet doit être très écrit au passage à la Commission, mais – et à plus forte raison dans le cas d’une comédie – le casting est primordial, or il dépendra beaucoup de la coproduction ! Comment dès lors donner la bonne couleur, le bon ton à son dossier ? par exemple tout le monde sait que Pierre Richard va être très drôle dans telle ou telle scène, mais ce n’est pas évident à expliquer, et on n’est pas sûr d’avoir Pierre Richard à l’affiche.
Nicole Palo : Il faut réussir à montrer que le film a le potentiel pour convaincre un acteur de premier plan (même si au final ce n’est pas celui qu’on avait prévu).
Un bon scénario n’est pas écrit pour plaire à la Commission, mais pour faire un bon film !
À noter que le vidéo pitch est un excellent outil : c’est un bon moyen de convaincre car il permet de révéler un ton, un style de réalisation, c’est bien moins aride qu’un simple texte.
Joëlle Levie : De fait, on y songe à la Commission car le visuel aide beaucoup à se faire une idée.
Ivan Goldshmidt : il y a trois moments d’écriture pour un film :
. le scénario : c’est la base, qui obéit à des mécanismes, des règles stricts même si chaque auteur a son type d’écriture, d’humour, de comédie ;
le tournage : beaucoup de ce qui va faire rire n’est pas dans les mots, on ne peut pas le faire passer au lecteur mais ça va devenir évident au tournage ;
. le montage : avec un bon monteur, le film peut même devenir plus drôle que prévu (ou beaucoup moins…)
Jean-Luc Goossens : Sur cette question de la difficulté de faire sentir ce que va donner le film, quid du teaser ?
Anton Iffland Stettner : Tous les outils sont bons pour véhiculer la vision artistique d’un auteur ! La comédie, c’est de la mise en scène totale, ça repose aussi beaucoup sur des détails (un décor, un costume, un geste…) Tout outil qui permet d’en dire plus est donc bon à prendre… mais attention, il peut aussi se retourner contre l’auteur ! Il faut donc choisir le bon moment pour se lancer.
Nicole Palo : j’ai eu trois passages à la Commission : alors que le premier était encourageant, le deuxième a été un vrai lynchage : j’avais voulu montrer un trailer et je m’y suis cassé les dents. Le problème, c’est qu’on n’a pas toujours les moyens de faire un bon trailer (décors, acteurs…), c’est donc assez risqué, et un vidéo pitch reste plus pertinent.
Jean-Benoît Ugeux : Nous avons eu une mauvaise expérience avec notre pilote. C’est sans doute bien pour un format 52 minutes, La Trêve en est un bon modèle : « le pilote de La Trève, c’est déjà La Trêve », dit-on, oui certes mais c’est tourné dans les Ardennes, l’ambiance est là et ils font des économies d’échelle.
Il faut une discussion avec la RTBF, pour trouver le bon outil adapté à chaque projet.
C’est aussi à chaque réalisateur de se demander ce qui peut marcher et ce qui est plus risqué. Il ne faut pas non plus hésiter à dire non, quand on pense que l’outil proposé ne permettra pas de bien vendre le projet. C’est au porteur de projet de faire attention, d’être prudent, car les pilotes tournent beaucoup et s’ils sont ratés, cela peut vraiment porter préjudice au projet.
Joëlle Levie : Pitch, teaser, pilote sont autant d’armes à double tranchant… et qui s’inscrivent dans les mémoires. À chaque porteur de projet de se demander si cet outil va avoir une vraie valeur ajoutée. En effet, je recommanderais de privilégier le pitch au teaser. Ou pourquoi pas un moodboard, pour faire sentir le ton, l’ambiance, les partis pris visuels…
Ivan Goldshmidt : Il ne faut pas non plus négliger qu’on porte une charge émotionnelle quand on vient défendre son projet, on n’est pas toujours très très bon. Le pitch, qui est préparé à l’avance, mûrement réfléchi avec son producteur, peut donc être un bon outil dans ce contexte.
Cédric Bourgeois, scénariste et réalisateur présent dans le public : C’est quand même une question compliquée, déjà qu’on n’est pas payé pendant 2 ans d’écriture, si en plus il faut faire un teaser !
Jean-Luc Goossens : Ce n’est pas normal de ne pas être payé ! Il ne faut vraiment pas hésiter à consulter le service juridique de la SACD pour se faire un contrat en béton ! Et l’aide au développement peut aussi servir à financer la réalisation d’un pitch vidéo ou d’un teaser.
Joëlle Levie : Il faut tenir compte de l’environnement. La compétition est plus grande, donc au plus il y a de la matière pour faire comprendre la singularité et la nature du projet, le distinguer des autres, mieux c’est. Et pour cela, le visuel peut vraiment aider. À la prochaine Commission par exemple, sur les 25 projets déposés, 5 seulement seront retenus.
Jean-Luc Goossens : Avez-vous des conseils à donner sur la spécificité de l’écriture de comédie, ses mécaniques, sa structure, ses types de personnages, ses ressorts…
Nicole Palo : La structure doit être bien ficelée, il est important de bien connaître sa structure d’une part, et la grammaire du genre d’autre part. Par exemple, en comédie le personnage évolue moins que dans le drame. Et par ailleurs, on n’est pas toujours dans l’empathie totale avec le personnage (à l’inverse du drame peut-être), car le recul et la distance sont nécessaires pour que le rire advienne. Il faut ménager un équilibre : créer la connaissance et l’empathie avec son personnage d’une part, et mettre en place une distance un peu cruelle d’autre part. Cet équilibre est dur à sentir, à appréhender pour les lecteurs.
La comédie doit-elle être réaliste, crédible ? Il y a débat, ça dépend de l’univers mis en place par l’auteur, il faut vraiment partir de là. Tout ne doit pas nécessairement être crédible.
Jean-Luc Goossens : En long métrage, c’est tout de même compliqué de garder le public quand on s’éloigne trop du réalisme. En court ou en série on peut aller plus loin dans l’absurde.
Nicole Palo : Et réaliste ne veut pas forcément dire crédible !
Jean-Luc Goossens : L’enjeu serait même de rendre crédible une situation irréaliste !
Ivan Goldshmidt : Il faut être cohérent, montrer dès le début le socle sur lequel s’appuient le récit et les personnages. Après on peut se lâcher, mais il faut rester dans le même genre, ne pas basculer sans cesse du réalisme à l’absurde. On peut faire un mélange des genres, oui, pourvu que le tout reste maîtrisé et cohérent.
Jean-Benoît Ugeux : Le plus compliqué, ce sont les points de vue de narration, cette question du passage de barrière. Par exemple pour Funny Games, Hanneke avait demandé à la famille de jouer comme pour une tragédie, et aux personnages aux gants blancs de jouer sur le mode de la comédie. C’est la cohérence, le respect de cette charte qui rend le film tel qu’il est : insoutenable.
Jean-Luc Goossens : Aujourd’hui il y a beaucoup de comédies dramatiques, de comédies sociales… Y a-t-il une place pour la « vraie » comédie au cinéma, ou tout se passe maintenant dans des séries télévisées de 26 minutes ?
Jean-Benoît Ugeux : Dans le cas des séries, il faut que les projets puissent s’exporter. Alors qu’en Belgique on rit de soi, en France on rit des autres. Pour nous, c’est donc compliqué à écrire, le cahier des charges était très long. Avec notre projet Prince Albert, on a rendu la pire des propositions, en se disant « ça passe ou ça casse » ! On a donc fait le pire du pire, pour s’amuser… mais ça reste compliqué.
Jean-Luc Goossens : Mais la RTBF prend des risques énormes, car peu de chaines auraient accepté de financer un projet pareil !
Jean-Benoît Ugeux : Une étude de la RTBF montre que le format 26 minutes x 26 épisodes s’exporte bien, c’est donc ce qu’ils demandent… on doit donc appliquer une grille structurelle toute faite, au lieu de se demander ce qui conviendrait le mieux à chaque projet. Nous par exemple on n’a fait que 20 épisodes. Après, on comprend bien que rien que les décors constituent un gros investissement qu’il faut rentabiliser et amortir.
Joëlle Levie : En effet, le 26 minutes est un format adaptable à de nombreuses grilles TV, et donc qui s’exporte bien. Et 26 épisodes au minimum, c’est aussi parce qu’une grande quantité est nécessaire pour vendre.
Jean-Benoît Ugeux : Les problèmes, ou du moins les questions pour nous, ce sont d’une part les publics, et d’autre part les quotas, la diversité, qui ne correspond pas forcément à l’adn de la série.
Véronique Jadin : Attention, les demandes des réalisateurs ne touchent pas à l’adn des projets ! Il est plus question d’accès aux commissions, aux festivals, aux financements…
Jean-Benoît Ugeux : Il faut que tous les publics s’y retrouvent, et c’est bien normal que la RTBF se pose ces questions. Ils prennent de grands risques pour un service public, il n’y a pas de diktat, ils nous donnent des avis et c’est nous qui tranchons.
Jean-Luc Goossens : À la télévision, la chaine finance tout, donc elle a les pleins pouvoirs (tandis que pour un film qui fait l’objet d’une coproduction, pour lequel on reçoit des aides, on peut toujours négocier et naviguer entre les différents financeurs pour arriver à ses fins).
L’enjeu devient la défense d’un projet, notamment en réunion. Quand quelqu’un qui paye tout fait une remarque, une suggestion, on ne peut pas lui dire non… c’est là qu’il faut faire preuve de diplomatie, de subtilité. Il faut toujours donner aux gens l’impression qu’on les écoute (d’ailleurs parfois c’est très intéressant, et ils peuvent même avoir raison !), prendre note des remarques puis faire le tri, mais ne surtout pas appliquer à la lettre tous les commentaires, au risque de dénaturer complètement le projet.
Dans tous les cas, il vaut mieux ne pas dire non pour ne pas braquer les interlocuteurs, puis naviguer, quitte à expliquer à la réunion suivante qu’on a testé la proposition et que ce n’était malheureusement pas possible…
Ça m’est arrivé de faire trop de concessions, et c’est le projet qui en a souffert. J’admire Mathieu Donck qui n’a accepté aucune concession sur La Trêve !
Jean-Benoît Ugeux : La Trêve, c’est un contexte particulier : une écriture difficile, un tout petit budget… attention donc à ne pas en faire une jurisprudence, au risque de faire baisser les prix sous prétexte que « ça a suffit pour La Trêve ». La première saison s’est faite à l’énergie, ce n’est pas un modèle économique viable ! Les auteurs doivent savoir dire oui ou non.
Joëlle Levie : Les avis rendus par la Commission sont des indicateurs. La plus grosse erreur qu’un auteur puisse faire serait de tout réécrire pour faire plaisir à la Commission. Au contraire, il faut rester fidèle à son projet, entendre et s’approprier les commentaires qui sont des avis, pas des ordres… d’autant plus que la composition de la Commission varie. La réécriture peut faire perdre son âme au projet, lui faire perdre sa spontanéité, son ton propre. Il faut tenir son bout !
Cédric Bourgeois : Oui d’accord, mais soyons honnêtes c’est plus facile pour les Dardenne que pour un jeune auteur de tenir son cap ! Les jeunes auteurs ont encore plus de pression.
Ivan Goldshmidt : En fait le risque c’est d’essayer d’être parfait, surtout en comédie. Les films qui fonctionnent le mieux sont ceux qui sortent un peu des cadres, ceux qui surprennent. Donc il faut savoir écouter les avis (après tout, les lecteurs sont notre premier public), mais ne pas trop retourner sa veste pour autant, défendre son projet, bien le connaître. Il faut tenir bon, en tant qu’auteur… quitte à ce qu’il y ait un peu moins de financement mais peut-être un peu plus d’âme et de personnalité.
Nicole Palo : Je me suis perdue sous les avis, et la plus mauvaise version de mon scénario est celle où j’essayais de plaire à tout le monde. J’ai l’impression au contraire qu’il vaut mieux revenir au premier jet, à notre première intuition… et si ça ne marche pas, au moins c’est notre projet personnel qui est recalé, pas un ersatz ! Il faut écouter les remarques qui mettent en évidence les problèmes mais ne donnent pas forcément de solution : c’est à l’auteur de les imaginer et de les mettre en place !